Diplomacy durch Musik

Diplomatie durch Musik ist ein sehr wichtiges Thema für die Schweizer Musikhochschulen, die damit die Welt jensits der helvetischen Grenzen positiv beeinflussen können.

Antoine Gilliéron — im Gespräch mit Xavier Bouvier, Spezialist für Interkulturalität und Diplomatie sowie Coordinator des Studiengangs Ethnomusikologie an der Haute École de Musique de Genève.

Xavier Bouvier, how do you view the international aid that the HEMs of our country have been able to provide in the past, provide today and could provide in the future?

The internationalization of higher music education in Switzerland is the culmination of a long evolution, which began in the first decades of the 20th century – one thinks of the reception, in our Conservatories, of refugees from the Russian revolution. After the 1970s, the reception of students from other continents – East Asia, but also South America – developed considerably.

L’intégration des HEM dans l’Espace européen de l’éducation supérieure a marqué une étape significative. Initié dès la déclaration de Bologne, cet espace, inauguré en 2010, s’étend largement au-delà des frontières de l’Europe proprement dite puisqu’il comprend des pays comme la Russie, l’Arménie ou encore le Kazakhstan. Les HEM ont largement bénéficié des échanges académiques au sein de cet espace – même si le fait que la Suisse ait quitté la pleine participation aux programmes ERASMUS+ a freiné notre inclusion dans certains programmes : on pense aux réseaux thématiques initiés par nos collègues de grandes institutions musicales européennes.

Dans le domaine de l’aide, l’Association Européenne des Conservatoires (AEC) a soutenu tout au long de cette construction l’intégration des institutions d’Europe de l’Est. Ces efforts ont été remarquablement fructueux, et les échanges se sont multipliés. Mais on peut considérer, rétrospectivement, que l’élargissement et la consolidation de l’Europe a coïncidé avec une relative fermeture avec le reste du monde : une frontière s’est creusée, politique, mais également culturelle.

De fait, les pays d’Europe de l’Est, et cela inclut la Russie, sont loin d’être périphériques dans la grande tradition classique européenne. Ils en ont été, et ils en sont aujourd’hui, des centres vibrants. J’ai eu l’occasion de visiter il y a quelques années la ville de Kharkiv, dramatiquement touchée par la guerre actuelle : ses monuments à l’architecture éclectique restent très Europe-centrale.

Toutes autres sont les situations culturelles du Moyen-Orient, de l’Inde, ou de l’Asie de l’Est et du Sud-Est. On est là face à d’autres traditions musicales, millénaires, qui pourraient bien avoir quelque chose à nous apprendre. Sauf à rester sur une position eurocentrée, la notion d’aide perd son sens : c’est d’un dialogue qu’il doit s’agir. Rares ont été les initiatives prises par les Conservatoires européens dans ce dialogue, même si on compte des réalisations remarquables, tout particulièrement de la part de nos collègues des pays nordiques, comme par exemple la Norwegian Academy of Music à Oslo, ou la Royal Danish Academy à Copenhague.

Est-ce que la solidarité exprimée dans le contexte de la guerre en Ukraine (par exemple, accueil d’étudiant.es et professeur.es ukrainien.nes, concerts de soutien, prises de position, prêt d’instrument) vous semble emblématique de ce qu’elles sont en capacité de faire ou pourraient-elles être éventuellement plus proactive dans leurs actions ?

Bien sûr, il était inenvisageable de ne pas s’engager de manière solidaire avec ceux qui souffrent du conflit, et logique de diriger cette solidarité vers des institutions musicales sœurs, des musiciens et des étudiants en musique. Mais ce qui me semble le plus marquant, c’est que les Hautes écoles de musique suisses ont voulu et ont su créer un espace sanctuarisé pour leurs étudiants, indépendamment de leur provenance – russe ou ukrainienne. Les témoignages de solidarité entre étudiants ont été nombreux – par exemple, l’une de nos étudiantes russes s’est portée volontaire dès le début du conflit pour donner des cours de langues aux réfugiés ukrainiens. Nous avons pu aussi sanctuariser le répertoire – résistant à des pressions très concrètes pour déprogrammer des pièces du grand répertoire russe. Le grand débat est de savoir si la musique, ou l’art en général, échappe à la politique. Les avis divergeront, mais mon expérience est que nos institutions musicales doivent rester des espaces d’écoute et de dialogue, des lieux créateurs de liens.

Plus largement, que pouvez-vous nous dire sur la diplomatie par la musique et ses réalisations dans les HEM helvétiques ?

La Suisse jouit d’une position très particulière, issue de sa neutralité et sa tradition de bons offices. La ville de Genève en est le centre symbolique, lieu de grandes rencontres autour de questions mondiales. Déjà dans les années 1920, au sein de la Commission Internationale de Coopération Intellectuelle de la Société des Nations, un extraordinaire dialogue entre cultures s’était développé. Comme l’a montré la chercheuse Christiane Sibille, la musique n’échappait pas à ce mouvement : Belà Bartók participait aux travaux, et de nombreuses institutions musicales internationales y ont vu le jour.

Selon vous, quelles bonnes pratiques hors de nos frontières quant à ce sujet pourraient être fécondes dans nos institutions ?

Concernant la diplomatie de la musique, des initiatives sont prises par les Hautes écoles de musique en Suisse, et nous sommes au seuil d’une prise de conscience de la richesse que peuvent apporter à nos écoles les échanges avec d’autres musiques. Plus fondamentalement, c’est peut-être simplement une prise de conscience que notre répertoire est déjà le fruit de ces échanges : le siècle dernier n’a cessé d’être le moment de telles rencontres, depuis les gamelans pour Debussy jusqu’aux polyphonies et polyrythmies pygmées pour Ligeti.

Pour nos institutions, un texte de 2006 de l’UNESCO, Guidelines on intercultural education fournit une excellente référence de bonnes pratiques. L’idée de base est assez simple : nos écoles et nos étudiants peuvent bénéficier de savoirs d’autres cultures musicales, anciennes, complexes, raffinées, exigeantes, expressives. D’autres conceptions musicales y sont à l’œuvre, et permettent de décentrer notre point de vue. Mais la mise en œuvre d’un tel programme est ardue : les institutions et les acteurs ne sont pas facilement malléables. Parmi les centaines de milliers de réfugiés syriens en Europe figuraient des maîtres de la grande tradition arabe classique : avons-nous su créer un espace pour pleinement profiter de leur capital culturel ? Les signes d’une évolution sont là cependant, et de grands conservatoires dans le monde prennent le lead sur ces thématiques. Les Hautes écoles de musique suisses ont une carte à jouer dans le domaine ; une opportunité est à saisir.

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