La musique se met en scène elle-même
La musique ne fait pas que produire des sons. Elle suscite en nous des images, qui défilent comme un film dans notre imagination. Les sons sont des acteurs, des acteurs qui nous laissent libres, qui n'imposent pas leur programme. Laissons-nous donc emporter.
«… Et là c’est l’apothéose, quand la grosse caisse entre en jeu: la reine apparaît!» C’est par ces mots qu’une compositrice me décrivait son œuvre, avec une image qui me semblait évidente, bien que nous l’écoutions sur bande. La musique fonctionne souvent comme une mise en scène de théâtre.
L’exemple le plus frappant est le concerto pour instrument solo: l’orchestre expose les thèmes, puis le soliste arrive (souvent sous les applaudissements du public) et se met à parler comme un acteur, soit en développant le thème de l’orchestre, soit — comme c’est le cas dans le Concerto en ré mineur de Mozart — en tenant son propre discours. Quand le piano apparaît dans le Concerto n° 5 de Beethoven, il me fait immédiatement penser au premier monologue de Richard III de Shakespeare. L’alternance de solo et tutti est aussi éminemment théâtrale.
Mais pourtant, qu’est-ce que cela nous apporte d’imaginer des images sur la musique? Est-ce que cela nous permet de mieux la comprendre? La musique abstraite, absolue, reste encore et toujours tabou.
Mais ces images, subjectives, que nous nous créons sont aussi un moyen éprouvé de comprendre une musique. Laissons donc la musique peindre les images qu’elle veut.
Résumé et traduction: Jean-Damien Humair