Comme un bricoleur?
Il existe différentes sortes d’amateurs. Dans le domaine musical par exemple, un amateur peut avoir terminé le cursus complet d’études de piano, mais avoir décidé par la suite de travailler dans une banque, même si son niveau équivaut à celui des professionnels. En football, un amateur peut gagner sa vie uniquement en pratiquant ce sport. L’argent et le niveau ne sont donc pas déterminants. Quels sont donc les critères qui définissent l’amateur? Peut-être le temps qu’il peut consacrer à l’activité concernée. Peut-être le fait qu’il reste à un moment donné bloqué à un certain niveau, sans plus pouvoir évoluer. Mais ceci est également sujet à caution.
Le terme vient du latin amator qui signifie «celui qui aime». Le dilettante est celui qui ne cherche que du plaisir dans la musique (du latin delectare). Jusqu’au 18e siècle, le noble qui pratiquait la musique en amateur était ce qu’on considérait comme le nec plus ultra en termes de qualité. Vers 1800 toutefois, la situation s’est retournée et on a de plus en plus apprécié les compétences du véritable professionnel. Le sens le plus courant que nous donnons aujourd’hui au terme amateur — qui exerce une activité de façon négligente — vient du 19e siècle, en français comme en allemand. Goethe lui-même, en se basant sur sa propre expérience, a décrit le paradoxe de l’amateur, qui malgré son amour pour l’art ne peut pas atteindre le niveau souhaité pour le juger de manière appropriée. S’il a cherché longtemps un juste milieu entre les qualités du noble passionné par la musique et celles du véritable spécialiste (critique, esthète ou théoricien), vers la fin de sa vie il a lancé cet aphorisme lapidaire: «le dilettante est pour l’art ce qu’est le bricoleur pour l’artisanat».
Aujourd’hui, si l’on parle de plus en plus négativement de l’amateurisme, c’est que l’on vit dans une société de plus en plus spécialisée, qui exige un degré de perfection que seuls les professionnels peuvent atteindre. Mais par ailleurs, des voix s’élèvent aussi contre les professionnels, à qui on peut reprocher de jouer parfois sans passion, par routine, «le pire pour l’art» selon le directeur d’opéra Gerard Mortier.
Aussi, si vous jouez avec plaisir un prélude de Bach ou une mazurka de Chopin, rassurez-vous: les professionnels aussi font des fautes, même sur les scènes les plus prestigieuses auxquelles vous n’accéderez jamais.