Christine Bouvard

Christine Bouvard, Présidente de l’Association Suisse des Ecoles de Musique ASEM, répond aux questions de la Revue Musicale Suisse.

Comment allez-vous après cette année ?

C’est un peu paradoxal, comme beaucoup de choses dans cette crise. Dans le fond, nous allons bien à l’ASEM : par un travail d’équipe exceptionnel, nous avons pu gérer au mieux les répercussions de la pandémie sur l’enseignement de la musique, nos associations et écoles membres ont su s’adapter avec une créativité, un engagement et une volonté hors-norme pour assurer leur offre d’enseignement malgré les restrictions. Et puis en même temps, l’ombre de cette année empreinte de sacrifices, d’adaptations sans fin à de nouvelles donnés, du manque de tant de dimensions humaines et culturelles – comme la musique, en particulier le chant, en commun, les rencontres en présentiel, les concerts et tout simplement de l’insouciance de la vie – pèse certainement lourd pour nombre d’entre nous.

Quel est votre souvenir le plus marquant de cette année de pandémie ?

Début 2020, nous regardions incrédules vers la Chine qui confinait ses habitants et nous aurions tous mis notre main au feu que jamais ceci n’arriverait ici. Eberlués, nous apprenions le vendredi 13 mars à 16h30 que toute la vie sociale, y compris les écoles et par conséquent les écoles de musique, se fermait avec effet immédiat. J’avoue que j’ai cru mal entendre. A l’ASEM, nous avons immédiatement mis en œuvre nos recherches et réflexions pour donner des premières orientations à nos membres. Tout aussi immédiatement nous avons dû, dans ma commune, annuler la dernière du spectacle musical de nos jeunes talents régionaux. Profondément touchés par cette fin abrupte, les jeunes se sont débriefés en exprimant toute leur émotion et leur solidarité dans un « haka » enflammé. L’exigence accrue d’objectivité, de structure et de raison de cette fin de journée allait de pair avec le partage de ces émotions d’une intensité rare, et ce dans un contexte pandémique alors encore un peu surréaliste. Des heures phares qui restent gravées.

Selon vous, en quoi la pandémie a-t-elle changé la profession de musicien ou le travail de votre association ?

Lors du premier confinement, les écoles de musique suisses ont été catapultées en quelques jours dans le futur. En un rien de temps, l’enseignement présentiel a dû faire place à l’enseignement en ligne. Si ce progrès technique a permis d’assurer la continuité de la formation musicale, il a aussi soulevé d’importantes questions portant sur la valeur de l’enseignement présentiel, sur la valeur de l’offre des écoles de musique et la manière dont celle-ci sera encore perçue et soutenue après COVID-19, sur l’équité des chances et de l’accès à la formation ou encore sur l’adéquation et l’accessibilité des moyens techniques à disposition pour un enseignement en ligne de qualité. Ainsi une discussion intense sur ce que nous appelons volontiers « l’enseignement augmenté » reste à mener, un débat nuancé qui conjugue autant une nouvelle approche pédagogique, exigeant le développement de savoir-faire spécifiques et différents, qu’une approche sociétale.

Quelle question aimeriez-vous poser au Conseil fédéral ou que voudriez-vous qu’il fasse pour relancer la vie musicale ?

L’inactivité des orchestres, des ensembles et des chœurs tant dans les écoles et les écoles de musique que dans les associations amateurs entrave la participation culturelle dans notre pays, ce qui impose une réflexion portée sur le futur. Comment la Confédération traite-t-elle les conséquences à moyen et long terme des mesures restrictives de la pandémie pour assurer la reprise de la participation culturelle ? Quelle approche, ou quels services, la Confédération envisagera-t-elle dorénavant pour assurer la participation culturelle dans le domaine de la musique au cours d’un temps de crise comme celui que nous vivons ?